ph sc.jpgBonjour, je suis sœur Marie du Sacré-Cœur (issue de la paroisse sainte Anne en Cambrésis), j’ai vingt neuf ans et je suis religieuse au monastère des Clarisses de Lourdes depuis trois ans. J’ai entendu très tôt l’appel de Dieu, peut être à l’âge de six ans, ce qui ne m’a pas empêché d’être une enfant comme les autres : amoureuse, oui, mais terrible aussi .J’aimais entrer dans les Eglises, regarder le Crucifié du Maître Autel, la Très Sainte Vierge Marie de la nef… Leur parler avec amour. J’aimais aussi jouer à me battre avec les garçons, faire une partie de football.  J’avais soif de la Messe, j’attendais avec impatience le dimanche matin, aussi le jour de ma communion privée fut pour moi  comme un mariage. Ma famille qui n’était pas pratiquante ne m’a pas  influencée.  C’est librement que je ressentie de l’amour pour Jésus. Les choses de Dieu me devenaient alors source d’une joie profonde et durable toute  intérieure.  Je me savais et me sentais attirée, amoureuse.

Je pense qu’un des premiers signes de l’appel est le désir. On perçoit alors sensiblement l’ivresse de l’Esprit !

Vers le 4ème à la suite d’un déménagement, je rencontrais des difficultés d’intégration dans ma nouvelle école. Ce temps de souffrance et d’isolement fut pour moi  objet de bénédictions, voir d’élection divine. Cette solitude d’abord subie durant les récréations me fit entrevoir une relation différente, nouvelle à Dieu. J’approfondissais le sens de sa proximité en tout  temps, et la louange se fit incessante. Je désirais alors ardemment cette solitude et paradoxalement c’est au moment où  j’entrais le plus en avant dans ce doux colloque avec l’Hôte intérieur, que la relation aux autres se rétablie peu à peu et s’intensifia au détriment de ma chère solitude !

…   rencontrer Dieu à travers les évènements, s’appuyer sur nos faiblesses, nos blessures, et en faire des actes d’amours quotidiens …

Jusqu’ici ma vie intérieure n’avait été qu’un brasier ardent et bouillonnant d’amour. Ce fut avec la même violence et intensité que je connus ensuite un temps de crise et de révolte. J’avais été émerveillée par ce Jésus de Nazareth que j’avais découvert à travers une lecture avide de l’Ecriture. Nuits et jours, je n’avais pu me passer de ce rendez-vous avec  la Parole. C ’ était  mon histoire personnelle, celle de toute l’humanité. C’était l’histoire d’un Dieu Eternel et incommensurable en ses largesses, qui s’anéantis pour venir à la rencontre de son peuple ; pour venir me pardonner et me dire : - Je t’aime -. Maintenant, il me fallait moi aussi donner une réponse d’amour radicale et qui engagerai toute mon existence, car je ne pouvais rester indifférente. Je pris peur devant un si grand amour que mon humanité ne pouvais concevoir et je préféra fuir au loin de sa Divine Face, comme un Jonas vers Tarsis . Ce fut une révolte de laquelle ce qui me sauva fut la persévérance  (au-delà du ressentis) dans une pratique  fidèle de la prière et de la vie sacramentelle. On peut être au loin de  Dieu,  mais si dans notre détresse on  Lui laisse la possibilité de nous tenir, Lui ne nous lâche jamais. S’expérimente alors Sa douce miséricorde, compassion, et bonté.

C’est un autre signe : une foi qui tiens et se relève à travers les épreuves manifeste la  profondeur de l’appel. Le désir  s’affine, se précise et se creuse alors. Dieu permet   nos éloignements pour que nous nous rapprochions d’avantage de Son amour. C’est une école  d’humilité : peccavi domine ! 

Revint ensuite le désir de me donner toute entière à Dieu. Je consacrais mes vacances au travail et en pèlerinages, j’étudiais après le bac la théologie tout en ayant un emploi. Au lycée, j’avais bénéficié du soutien spirituel de l’aumônerie, que je fréquentais même si elle ne correspondait pas tout à fait à mes aspirations : je désirais n’y trouver que prière ; n’y entendre parler que de Dieu   .  Or, la dimension scolaire et humaine y avait aussi sa place. Je ne me sentais pas encouragée dans mon désir de vie religieuse. Depuis toutes ces années, l’attente me semblait interminable. Dans le même temps, j’avais rencontré des jeunes qui vivaient sur le plan religieux ce que j’avais envie de vivre. Ils avaient des convictions différentes, mais se disaient catholiques. Là, je me sentais comprise et accueillie dans mes aspirations. Lorsque je me rendis à la Messe auprès d’eux : je fus éblouie. C’était une très belle Messe, ornée de chants grégoriens. Toute l’Eglise embaumée l’encens. Les rites se succédaient, précis et méticuleux. C’était une Messe comme celles que, enfant j’avais connu, habitant en Alsace.  J’ouvris avec attention le livret de prières et je compris dès lors que cette Messe n’était pas dans le pleine obéissance de l’Eglise. Mais je n’en mesurais pas l’importance, je n’avais pas réalisée. Je fonçai tête baissée suivant l’attrait de l’affectif, sans même en avoir parlé auparavant avec  un prêtre. J’étais en pleine crise d’adolescence et d’indépendance. Je me durcissais alors dans mes convictions religieuses, politiques. Je commençais à militer dans des milieux d’extrême droite, à me singulariser et à ne fréquenter que des personnes partageants  les mêmes convictions. Mon cœur se durcissait et je me séparais peu à peu de l’Eglise notre Mère, privilégiant selon mes possibilités l’assistance à des Messes  schismatiques,  puis « sedevacantistes» sur celle de la Messe ordinaire. Je me nourrissais de lectures allant à l’encontre de Vatican II.  Ma raison se crispait sur des détails d’ordres rituels alors que je pouvais gravement manquer à la charité sans même me remettre en question.

Il est nécessaire de rester  coute que coute fidèle à l’Eglise et de savoir demander conseil quand il le faut lors d’un cheminement religieux. L’Eglise notre mère sait ce qui est bon pour nous. Se séparer du Corps mystique du Christ, se désolidariser de ce Temple Saint, c’est se priver du souffle de vie qui se manifeste en de nombreuses grâces, c’est blesser son âme qui s’inscrit dans le plan d’amour de Dieu pour nous. Sans être fermé, il y a quand même une certaine prudence à avoir pour ce qui concerne les fréquentations.

Lorsque l’appel se fit plus pressant, je m’engouffrais sans discernement dans le premier monastère que je rencontrais, me disant :  «  peu importe l’endroit : l’essentiel est d’être au Bon Dieu ». Je ne me suis pas demandé si j’étais capable physiquement et moralement de prétendre à ce genre de vie. Je commençais donc à vingt trois ans un postulat dans une abbaye qui, tout en étant d’Eglise, célébrait dans l’ancien rite. Très vite, je m’épuisais dans cette vie dont les exigences étaient au dessus de mes forces. Je ne pensais pas non plus à aborder ces questions : (froid, …) avec  la mère maîtresse qui, de ce fait, ne pouvais pas remédier à mes besoins ou faiblesses. Je déclinais  ainsi jusqu’à en perdre complètement la santé. Je n’avais rien refusé au Bon Dieu, j’étais allée jusqu’au bout de mon extrémité. Quand  que je découvris  mes limites c’était trop tard : à bout, je demandai, bien à contre cœur, ma sortie. J’avais tout quitté : travail (armée) ; famille ; amis… Il me fallait à présent reconstruire, amaigrie de dix kilos et en mauvaise santé. J’étais désespérée car je pensais vraiment que « c’était pour la vie » , mais aussi parce que je ne savais pas si je pourrai un jour ré-envisager une consécration totale à Dieu. Je n’avais plus de projets, plus rien à quoi me raccrocher, j’étais détruite et brisée et je n’arrivais plus à prier… Je psalmodiais le bréviaire, mais quelque chose de ma relation à Dieu n’existais plus. L’amour s’était éteint. Et pourtant… Que de grâces reçus !

Savoir se laisser aider, prendre le risque de redémarrer et …

Mes parents qui s’étaient d’abord opposées à ma vocation m’ont trouvé si désolée de cette rupture qu’ils ont tout fait pour m’aider ensuite.  Maman me conseilla de me tourner vers le prêtre de ma paroisse qui me fut d’une aide précieuse et me reste un guide sûr. Grâce à son soutient, je ne me suis pas( re)précipité  dans un autre essai de vie religieuse pour combler le vide laissé en moi par mon départ de l’abbaye,  ce qui aurai été voué à l’échec en raison de mon affaiblissement. J’ai pu d’abord affronter ma souffrance, reprendre des forces, retrouver un travail, préciser le charisme de vie auquel  je me sentais appelé.  Il m’aida aussi à rester fidèle à l’Eglise car l’esprit reste parfois marqué par l’erreur  et la foi devient alors un combat sans cesse à réajuster, à redéfinir et à entretenir. Il faut aimer passionnément l’Eglise, comme elle nous aime.

 oser refaire confiance   «  et quelqu’Un d’autre vous ceindra et vous mènera ou vous ne vouliez aller »

Ma vocation de Clarisse

C’est au moment ou je n’y croyais plus et ou j’avais lâché prise (je n’espérais alors plus rien) que je rencontrais providentiellement ma communauté de Lourdes. De suite, ce fut un coup de foudre. Que d’images douces me reviennent à l’esprit quand j’en évoque l’instant. Je m’y senti heureuse et chez moi, et tout me semblai facile. Ce n’était plus ma volonté que je faisais, mais celle de Dieu. J’étais à l’écoute, car j’avais renoncé à vouloir par moi-même.  Le soutien de la maîtresse des novices me fut précieux, pour reprendre confiance et oser le risque du pas à faire. Très rapidement, les choses se sont faites.  Cela à pu bien se passer car je n’ai rien caché de mes difficultés à ma communauté.  J’ai pu, de fait, recevoir l’aide nécessaire pour suppléer à mes lacunes. L’accueil fraternel et Evangélique des sœurs me touche toujours. Je lisais une certaine bienveillance, et même joie dans leurs regards. Mes sœurs ne m’ont pas jugé sur mes divergences doctrinales. Elles m’ont simplement dit : « on essaye, et on voit si cela peut marcher. Mais toi, tu dois être fidèle à l’Eglise de Pierre ». Et de fait, je le fus  car c‘est ce que je voulais de tout cœur et je le veux toujours. Mais passons aux choses plus agréables encore : j’aimerai vous faire gouter un peu de cette joie communautaire qui m’habite. J’aimerai vous faire toucher la beauté de ce monastère au long du Gave, ou les fleures et les abeilles aussi participent à la louange. Oh, bien sûr ! Nous  ne sommes pas des anges ! Et la vie fraternelle n’est pas une chose acquise, surtout dans une communauté qui comporte une vingtaine de sœurs : c’est un chantier sans cesse en construction. Mais au delà des petites choses,  en ligne de fond, une joie profonde. Un bonheur inaltérable. Notre mère Sainte Claire nous y invite :  « va, confiante ; allègre et joyeuse » . Alors tout prend vie, et chantent les oiseaux ; et dansent les arbres au vent célébrant les merveilles du Seigneur Dieu : El Shaddai ! Alors le cœur, saisis par  cette précieuse louange de vie se dilate à travers la création et s’ouvre à l’Autre, Celui qui se tiens là devant moi et que je ne peux saisir. Notre vie désencombrée  par la recherche de Dame Pauvreté découvre un essentiel  plus accessible : Dieu se rend vulnérable d’amour  à travers notre histoire humaine. Cela sonne comme une invitation à Lui ressembler d’avantage à travers les préceptes Evangéliques, le travail, la contemplation. Que le regard soit fixé sur la Croix à travers une joyeuse pénitence ; ou émerveillé au pied de la crèche tenant bébé Jésus  dans nos bras :tout renait, tout s’anime, et le mystère prend un sens toujours actuel . Celui de la louange universelle ! C’est la rencontre d’un sain François chez le sultan, d’un saint François stigmatisé d’amour sur le Mont Alverne.  C’est la prière silencieuse mais oh combien heureuse et efficace d’une sainte Claire prosternée devant le Très Saint Sacrement : cloitrée mais missionnaire car elle porte le monde. Ici, à Lourdes, la présence mariale se fait davantage sentir : Marie est là qui nous garde et nous bénie : Ave Maria.

N’hésitez pas à venir consulter le site internet du monastère : il suffit de taper sur google, « Clarisses de Lourdes » !

 

 

 

 

Article publié par Père François Triquet • Publié le Mercredi 26 juin 2013 - 23h48 • 871 visites

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