Dieu veut mon bonheur ...même si !

La lettre de Mgr Garnier nous dit que Dieu ne veut que notre bonheur. Mais parfois, les épreuves, la souffrance, les échecs ... font douter.Laurence Vasseur, serviteur de l'Evangile en Corée, a été confrontée à cette épreuve.

 

“Le roc, la montagne à gravir

Témoignage d’une expérience douloureuse, d’une épreuve qui m’a fait grandir dans ma foi ... (FRAT 2004 des lycéens à Lourdes)

 

 Photo 022 Photo 022  

             Je m’appelle Laurence, je suis missionnaire Serviteur de l’Evangile depuis presque 12 ans.  Je suis belge et j’ai vécu la mission pendant plusieurs années en Espagne, quelques mois en Argentine et depuis cette année à Paris

Depuis ce témoignage, Laurence a vécu deux années à valenciennes avant de rejoindre la Corée

             On ne se connaît pas, et je ne sais pas non plus pourquoi vous avez choisi de venir à ce témoignage plutôt qu’à un autre ... Pourquoi cette question de l’épreuve, de la souffrance vous touche, je ne le sais pas non plus, mais je vais vous partager mon expérience et après vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez ...

 

cimetière 2 cimetière 2  “La montagne à gravir” dans ma vie ça a été la MORT de mon père arrivée subitement (il a eu un infarctus à l’âge de 42 ans).  Moi j’avais 15 ans, - nous sommes 5 enfants dans ma famille -, ma petite soeur n’avait que 6 ans! Ce jour-là était un samedi normal, en pleine préparation des examens de juin, après un match de foot avec mes frères et leurs copains, mon père s’est senti mal ... Et le soir, tout d’un coup nous voilà plongés dans la mort : tout est fini! A ce moment-là, quelque chose en moi s’est mis à crier : tu ne verras plus jamais ton papa ... Rupture radicale, absence horrible, je vivais comme si j’avais été amputée.  Solitude d’enfer dont j’étais incapable de parler ... Question complètement tabou ... “Je suis orpheline ... et personne ne peut me comprendre”, c’est ce que je me répétais constamment dans ma tête en faisant tout pour cacher mes larmes ... Mais la tristesse devenait permanente ...

 

            Alors à 16 ans, je commence à vivre “une double vie” : extérieurement, je vis comme si tout allait bien, je suis “joyeuse”, j’ai pas mal d’amis au lycée, on s’amuse, on rit, on fait les imbéciles ..., mais intérieurement c’est la mort qui m’habite de plus en plus.  Je suis remplie de sentiments d’absurdité : quel est le sens de la vie si tout peut finir si vite? A quoi ça sert de faire encore des projets? Etudier? Se marier? Un autre avenir me paraît complètement utopique! Bien sûr mes amis ne se posent pas du tout ce genre de questions, donc je me sens de plus en plus bizarre et seule ...

 

            Je suis complètement révoltée contre la mort, la vie, ... et contre Dieu.  Pourquoi a-t-il permis ça?  Etait-on trop heureux dans ma famille? Comme la mort de mon père est arrivée comme ça, sans aucune raison, c’est très facile d’en rendre Dieu coupable ... Pourquoi m’a-t-il enlevé mon père?  Je croyais que je n’allais jamais sortir de là ... J’avais un poids trop lourd à porter, sans personne à qui le partager ... Même mes meilleurs amis ne pouvaient pas comprendre ... Je croyais que ma vie ne pourrait jamais changer.  Et je me disais qu’il fallait que je m’habitue à vivre triste toute la vie qu’il me resterait à vivre ... C’était vraiment comme ça que je voyais mon avenir 

            Dans cette “nuit noire” qui a duré plus de 6 ans, presque malgré moi, au milieu de toutes mes questions absurdes, le Seigneur est venu me chercher, me pardonner tant de révolte et de rejet que j’avais contre Lui.  Il est venu ... à travers beaucoup de personnes.  D’abord à travers la vie de ma mère (restée seule à devoir s’occuper de 5 enfants ...), à travers son amour et sa foi qui m’ont supportée quand vraiment j’étais “insupportable” (c’est pas facile d’aimer quelqu’un qui souffre ...); et puis surtout Il est venu me “repécher” à travers le témoignage d’un prêtre missionnaire espagnol.  C’est quelques chose d’incroyable, parce que c’était presque par hasard que je me retrouvais dans ce rassemblement de familles chrétiennes et que j’étais là, ce jour-là, dans cette chapelle pour écouter les paroles de ce prêtre. 

            Son témoignage m’a complètement retournée ... Je me souviens que j’étais assise dans le fond de la chapelle, tout au bout ... et au fur et à mesure qu’il parlait, je sentais que ses paroles étaient pour moi!  Comme si j’avais été la seule personne présente là ... or on était des centaines de jeunes dans cette grande chapelle! On aurait dit que tous les spots de la salle s’étaient focalisés sur moi! Ce prêtre avait aussi été orphelin de père – il savait de quoi il parlait! -, il avait aussi lutté contre les “pourquoi”, contre l’absurde de la mort, contre le vide, contre l’absence de son père ...

 

Il disait : “Le Christ vient guérir notre coeur et notre vie, parce que la personne qui dans son coeur sent encore l’amertume, la rancoeur, la haine, ne peut pas être témoin du Christ.  Il y a des choses qui nous sont arrivées, sans aucune faute de notre part ; le mal que nous avons subi, ce mal dont nous ne sommes pas responsables, mais dont notre vie a tant souffert.  Et puis, une phrase qu’il a dite s’est gravée pour toujours dans ma mémoire (aujourd’hui, après 13 ans, je m’en souviens comme si c’était hier) : “Est-ce qu’une personne qui a beaucoup souffert, qui n’a pas connu ses parents, une personne qui a été abandonnée, une personne qui a souffert pendant sa petite enfance, est-ce qu’une personne comme ça peut être témoin du Christ? Est-ce qu’un orphelin peut être témoin du Christ? 

 

Comme toujours quand j’entendais de telles paroles, dans ma tête je pensais : NON!!! Impossible! Et il continuait son témoignage : “Le mal que nous avons subi sans aucune faute de notre part, ce mal, les choses que nous avons souffert n’échappent pas à l’Amour et à la miséricorde de Dieu.  Dieu est si puissant que toute l’histoire, tous les événements, aucun d’eux ne lui échappent.  Et Dieu est si puissant qu’Il peut faire sortir du bien de ce que nous disons : c’était mal ...”  Pour la première fois depuis la mort de mon père, depuis 6 ans, je faisais cette expérience : enfin quelqu’un a su me dire ce que j’avais besoin d’écouter! C’était comme s’il connaissait ma vie et n’avait parlé que pour moi! En fait depuis 6 ans j’espérais que quelqu’un contredise la “logique” de la souffrance qui m’avait condamnée ... pour toujours!

 

            Ses paroles ce jour-là m’ont fait découvrir le Visage de Dieu que je ne connaissais pas! Et pourtant dans ma famille on m’avait pas mal parlé de Dieu ... Ce prêtre me parlait d’un Dieu qui m’avait accompagnée pas à pas, souffrance après souffrance, larme après larme ... durant toutes ces années.  Il n’était pas “contre moi”, un rival, le “grand coupable”, mais Celui qui était uni à moi dans ma douleur d’orpheline.  Il y a une très belle Parole de Dieu dans la Bible (dans le livre de l’Ecclésiastique 35,15) qui dit : “Les larmes de l’orphelin ne coulent-elles pas sur mes joues?”  Dieu avait pleuré avec moi, chaque fois ..., et moi, je ne le savais pas!

 

            Découvrir et commencer à connaître le Visage de Dieu face à ma vie, ça a été comme une NOUVELLE NAISSANCE – une nouvelle vie – pour moi. Je me rappelle que ce même jour, en sortant de cette chapelle, je rencontre un jeune que j’avais connu l’été d’avant, et dans la conversation, la question fatidique de toujours tombe : Tu es venue avec tes parents? – Bon, avec ma mère et mes frères et soeurs ... – Et ton père n’est pas venu? – Non, mon père est décédé depuis plusieurs années, tu sais ... Tout d’un coup je me rends compte de ce que je suis en train de lui répondre ... Jamais je n’avais été capable de dire ça pendant 6 ans! La mort de mon père n’était plus tabou! Libre, j’étais libre du filet de la mort!

 Patricia et Laurence Fatima Patricia et Laurence Fatima  

            Vraiment il y a eu un avant et un après dans ma vie depuis ce jour-là! Ma nouvelle vie, c’était vivre la vie avec ce Dieu témoin de toutes mes souffrances, la vivre dans la foi, avec une espérance complètement différente ... Je pouvais faire à nouveau des projets pour l’avenir! Je récupérais peu à peu la joie de vivre ... perdue depuis si longtemps! Et même au milieu de circonstances encore difficiles et douloureuses, Dieu me faisait découvrir que je pouvais vivre autrement les événements, parce qu’Il était avec moi, Il est avec moi! Et des événements difficiles, il y en a encore eu pas mal dans ma vie.  Par exemple, 4 ans après cet été-là, maman meurt de manière aussi soudaine (d’une hémorragie cérébrale foudroyante ... en plein milieu d’un pèlerinage).  Au coeur de cette souffrance immense – perdre sa maman, il n’y a pas de mots pour dire ça! - Dieu me disait : Laurence, tu peux vivre cette mort non pas comme une tragédie qui t’écrase pour la deuxième fois, mais avec l’espérance de la foi.  Ta maman est vivante, elle t’accompagne ... Rappelle-toi :“L’Amour est plus fort que la mort” (cf. Cantique des Cantiques), rappelle-toi les paroles de ce prêtre, mon Amour est si puissant qu’il peut encore te relever ...

 

            Et la plus grande folie de l’Amour de Dieu, c’est qu’Il m’a fait découvrir peu à peu qu’Il avait besoin de mon chemin de vie parcouru!  Il en avait besoin pour faire sortir de la “mort intérieure” beaucoup de frères et soeurs accablés par trop de souffrances, par des épreuves trop lourdes à porter ... des coeurs “orphelins de Dieu” ... parce que comme moi, ils ne le connaissent pas, ils ne savent pas qu’Il est “en notre faveur” ... C’est pour cela que je suis missionnaire!  Dieu m’a fait sortir du silence de la mort, du repli sur soi que provoque inévitablement la souffrance.  Il m’a fait comprendre que la pire chose, ce n’est pas d’avoir perdu son père ou sa mère (même si c’est très douloureux), mais d’être “orphelin de l’Amour”, orphelin de Dieu ... seul au monde.

 

            Cet après-midi, je dois te dire ça ..., même si on ne se connaît pas, même si peut-être on ne se reverra jamais: si Dieu a pu faire cela avec ma vie telle qu’elle était, Il peut aussi le faire avec toi! Tu n’es pas condamné à vivre le reste de ta vie dans la mort, prisonnier de ton passé, de tes blessures, dans la tristesse parce que tu as vécu cette épreuve qui t’a complètement brisé ..., la violence à la maison, la séparation de tes parents, des abus de toutes sortes, la dépression, peut-être même l’anorexie dans laquelle tu te débats parce que tu ne veux plus vivre ... Tu n’es pas condamné à vivre comme ça!  Non, c’est un mensonge, cette autocondamnation!  Et je sais trop bien de quelle souffrance je te parle!  Je veux te le dire cet après-midi avec ma vie, si je peux ...

 

Je pense souvent à cette phrase de Tim Guénard dans son livre (Plus fort que la haine) : “Parfois le passé me rattrape lorsque le présent me blesse”. Ca, ça nous arrive souvent ... On aimerait s’en sortir, mais il suffit qu’une bêtise toute petite nous blesse aujourd’hui, et c’est tout notre passé, des choses beaucoup plus énormes qui nous sont arrivées qui nous rattrapent ... Mais, même si cette “pieuvre avec ses tentacules de désespoir” (comme le dit Tim) veut te dire “Tu vois, tu ne changeras jamais!”, je t’en supplie : crois que tu peux vivre autrement!  “Gravir cette montagne” c’est possible! Et tu pourras en aider d’autres à la gravir ..., c’est comme ça que tu guériras!

Laurence Vasseur, Missionnaire Serviteur de l’Evangile

 

“L’Amour a séché les larmes de l’homme ...”

“Nul ne console à moins d’avoir souffert ...”

 

 

 

 

 

Article publié par emmanuel canart • Publié le Lundi 27 novembre 2006 • 11304 visites

keyboard_arrow_up