Jules Labbé, serviteur de Dieu et fidèle de Nungesser
dimanche 29.05.2011, 05:25 - La Voix du Nord
Jules Labbé, fringant nonagénaire né dans le Cambrésis et aujourd'hui installé à Valenciennes, est un fidèle. De Dieu d'abord, au service duquel il s'est engagé en 1945. Et, dans un tout autre registre, de VA qu'il suit assidûment depuis 50 ans. Ce soir, au coup de sifflet final, ce prêtre au coeur rouge et blanc quittera Nungesser avec des souvenirs plein la tête. Il nous les confie. Avec une pointe de nostalgie et une once d'émotion.
PAR SAMUEL PETIT
valenciennes@lavoixdunord.fr PHOTO DIDIER CRASNAULT
Le virus au séminaire.
« C'est le père Crommelinck, mon professeur au petit séminaire de Solesmes et ancien curé de Masnières, qui m'a transmis le virus. Je me préparais à être prêtre. Au séminaire, on jouait au football en soulevant la soutane, rendez-vous compte ! Un ami, vicaire à Anzin, m'a ensuite emmené au stade et j'y suis resté ! Ça fait cinquante ans que ça dure. »
Le QG, avenue des Tourelles. Jules Labbé y habite toujours. Dans les années 60-70, c'était le QG d'une bande d'amis venus du bassin de la Sambre. « Il y avait Romain, Henri et les autres. Que de bons souvenirs avec eux ! Ils arrivaient de Recquignies, près de Maubeuge, et on se rendait ensemble au stade, direction la "fer", la tribune des supporters. Après le match, on revenait ici pour manger un morceau de tarte que nous préparait Germaine Boddèle, ma servante. C'était une époque formidable : quelle belle équipe on avait à VA ! »
Son plus beau souvenir à Nungesser. « La montée en 2006. On revenait de tellement loin... Sur le terrain, il y avait Savidan.
Sur le banc, Daniel Leclercq. Ah, le grand blond, quel sacré entraîneur ! J'ai une image en tête : celle de tous les joueurs qui portaient leur coach en triomphe au moment de la montée en L1. Tout le public s'est mis à scander son nom : quelle émotion ! »
Le pire. « L'affaire VA-OM, l'histoire Tapie, c'était le grand bazar. VA était au fond du trou, c'était dur à avaler. J'ai continué à suivre le club. Il ne restait que les vrais (supporters). »
Les joueurs et l'entraîneur qui l'ont marqué. « Six, Papin, Masnaghetti, un buteur hors pair celui-là, Bonnel, Sauvage, Provelli, Matski et Milla. L'entraîneur ? Domergue. Il avait un don pour faire jouer son équipe comme il le souhaitait. Impressionnant ! Mais l'actuel, Philippe Montanier, n'est pas mal non plus... »
De la « fer » à l'Honneur : « La tribune de fer est unique. Je me souviens qu'on y chantait : "Il était un petit ar-bi-tre, il était un petit ar-bi-tre qui n'avait ja-ja-jamais arbitré ohé ohé..." (rires). Je l'ai quittée il y a trois ans, c'était dur car j'y ai laissé plein d'amis. Je suis aujourd'hui en tribune Honneur, assis pendant 90 minutes : que voulez-vous, j'ai quand même 90 ans... Mais je continue à vibrer comme si j'y étais. »
Le rituel du samedi. « Les soirs de match à Nungesser, je ne dis pas la messe en paroisse mais chez moi. Je pars à 18 h 45 pour être là au coup d'envoi à 19 h. C'était déjà le cas autrefois quand les rencontres avaient lieu à 20 h. J'étais prêtre à Saint-Roch à Cambrai, où la messe débutait à 18 h 30. Je m'arrangeais avec le curé de Saint-Joseph, l'abbé Bataille, pour célébrer plus tôt. J'ai toujours eu horreur d'arriver en retard. D'ailleurs, à chaque début de saison, je note dans mon agenda tous les matches de VA à domicile pour faire correspondre les horaires des messes. C'était la même chose quand j'étais prêtre à Fourmies : je faisais 140 km aller-retour pour venir au match et j'étais ponctuel.
»
D'un stade à l'autre. « J'ai visité le nouveau stade avec l'évêque, le jeudi saint. C'est vrai qu'il est superbe et je compte bien m'y abonner, mais je vais quitter Nungesser avec un pincement au coeur. J'y ai vécu tellement de belles choses, des grands moments. J'y suis toujours venu avec le même plaisir. Le 6 décembre, j'aurai 91 ans et si j'en suis là, plein de vie, c'est aussi grâce à tout ce que j'ai vécu dans ce stade. »
On refait le match en famille. « J'ai douze neveux et nièces, que j'invite une fois par an au restaurant. De quoi parle-t-on ? De football évidemment ! De VA, de Lille aussi car l'un d'entre eux, Paul, est supporter du LOSC. Il est gâté cette année. Et quand on se voit, on ne peut pas s'empêcher de refaire le match de la veille. »
L'anecdote de Nungesser. « Un jour, en tribune, l'un de mes amis discutait avec un couple de supporters. Je n'avais pas prêté attention puis j'ai reconnu l'épouse : c'était une de mes anciennes institutrices de l'école élémentaire. Elle habitait Quiévy, dans le Cambrésis.
C'était émouvant. »
VA et les paroissiens. « Ils m'en parlent le dimanche, au lendemain des matches de VA, juste avant la messe. À Maing, à Trith et à Thiant, où il y a de nombreux supporters : tous ont un petit mot sympa pour VA. »
Un pronostic, monsieur l'abbé ? « VA n'a pas eu de chance cette saison avec des blessés en cascade, On va gagner, c'est sûr. L'équipe pratique un beau jeu, elle ne mérite pas de descendre. De toute façon, je ne l'imagine pas... Allez VA ! » •