Felice Rossi a 61 ans. Veuf, il est papa de 3 enfants, un garçon, 34 ans, et des jumelles, 26 ans. Son premier petit-fils vient de naître, deux jours après son ordination de prêtre pour le diocèse de Cambrai (Nord). C’était le 23 juin 2019. Il réside à Marchiennes (Nord). Nous l’avons rencontré.
Il accepte de témoigner « pour dire que Dieu est avec nous tous les jours. Si un article peut faire avancer les choses… L’important, ce n’est pas moi, je ne suis qu’un instrument de paix et d’amour de Dieu ».
Comment est née votre vocation ?
Enfant, j’aimais aller à la messe, j’y trouvais une ambiance de paix. J’aimais rester près du tabernacle, je sentais une présence que je ne comprenais pas. En fait, je ne savais pas que c’était Jésus qui était là. Je savais que j’étais appelé à quelque chose de grand, mais je n’ai jamais pensé la prêtrise. On ne m’a jamais parlé de vocation. Je pense qu’il faut davantage dire aux gens qu’ils sont créés pour quelque chose. À ma confirmation à l’âge de 15 ans, je n’ai rien senti de particulier. On ne comprend l’action de Dieu qu’après coup.
Je pense qu’il faut davantage dire aux jeunes, aux gens qu’ils sont créés pour une belle mission de la part de Dieu. Je suis convaincu que l’enjeu est de choisir la vie et le bonheur de Dieu. Dieu se fait une « haute idée » des humains, Il espère en eux.
Malheureusement, vous devenez veuf en 1995 à l’âge de 33 ans. Comment votre foi a évolué dans cette épreuve ?
Mes enfants étaient jeunes. Je ne sais pas comment j’ai fait à cette époque. J’avais aussi mon travail, j’étais surveillant de prison. J’ai crié vers Dieu : « Seigneur, aide-moi. Si tu existes, dépêche-toi, fais quelque chose ».
À ce moment, je permets à Dieu de se monter à moi. Tout est parti de ce cri.
Peu après, j’ai rencontré un groupe de prière charismatique. J’y découvre la louange à Dieu, prière ensemble, fraternelle autour de la Parole de Dieu. C’était en 1995.
Quand on cherche Dieu, on le trouve ! Il m’attendait, Il attendait ma demande au cœur de ma liberté. Il était là et je ne le savais pas. Je me suis rendu dans l’église où j’avais été confirmé. J’étais seul. Je me suis assis à l’endroit où enfant j’assistais à la messe. Alors, je me suis vu dans le chœur, debout devant l’évêque alors qu’il m’imposait les mains sur la tête. J’ai vu l’Esprit-Saint descendre sur moi. J’ai compris alors la réponse à ma prière ; Dieu me saisissait à ce moment-là.
Comment vos enfants ont vécu votre vocation ?
Je désirais d’abord avoir leur consentement avant d’aller plus loin. Si un seul avait refusé, j’aurais renoncé. Je voulais qu’ils puissent être à l’aise si on leur demandait : « Que fait ton papa retraité ? »
Pendant ce temps, je priais Dieu. Je sais qu’Il n’est pas un Dieu diviseur de famille. Je lui ai dit : « Si les trois enfants sont d’accord, je Te suis ». Et c’est ce qui s’est passé. Dieu est bon.
Qu’apporte le fait d’avoir été marié à votre ministère ? Est-ce que cela change quelque chose par rapport aux autres prêtres ?
Chaque prêtre a un charisme différent, c’est la richesse de l’Église catholique ! Ayant connu moi-même le mariage et la vie de famille, je sais ce que les gens ressentent, je me sens proche d’eux. Il faut encourager les familles ! C’est compliqué d’être fidèle, patient par exemple. Je sais lire entre les lignes, je ne juge pas.
Par mes études au séminaire, ma formation continue, je dispose de ce que l’Église dit, et j’ai aussi la pratique. Par mon expérience personnelle, Dieu a développé en moi le sens de la « maternité », quand je devais consoler mes enfants. Aujourd’hui, je vis sereinement « la paternité et la maternité » de Dieu.
Comment voyez-vous votre avenir dans une Eglise malmenée ?
Je suis serein et en paix. l’Église a toujours connu des moments difficiles. C’est quand elle est au plus beau que se vivent les plus belles conversions. Dieu ne m’a jamais abandonné.
J’ai compris qu’il fallait d’abord être avant de faire. Je prie Dieu pour qu’Il me dise quoi faire et comment le faire. Je fais confiance à mon Église qui a toujours su évoluer. Une des pistes sera sans doute de développer la collaboration entre prêtres et laïcs, ce qui se fait déjà et me surprend agréablement car chacun s’engage bénévolement. Le don de soi-même, conduit par l’Esprit-Saint, est certainement la réponse aux attentes de notre temps.
Que pensez-vous du mariage des prêtres, souvent en débat ?
Cela n’a aucun sens pour moi et ce que je dis ici n’engage que moi. Quand je vis ma vie de prêtre, j’ai la charge de rendre le Christ présent et de vivre mon sacerdoce, je suis heureux de passer beaucoup de temps à la prière, à la rencontre et à l’écoute des personnes, à présider les sacrements, servir comme le Christ, en me donnant totalement là où l’Esprit-Saint me conduit, etc.
Si j’étais marié, ce ne serait pas juste de délaisser ma famille. Le Sacrement de mariage est une vocation à part entière, une très belle vocation. Il ne s’agit pas de combler des manques, de trouver des prêtres « à la force du poignet ».
Il s’agit plutôt d’offrir notre vie pour notre plus grand bonheur sur cette terre. « Seigneur, je te donne ma vie ; fais-moi connaître ce beau chemin du Salut des Hommes. »
Par : Anne-Sophie Hourdeaux
témoignage pour Lilleactu